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12 HOMMES EN COLÈRE, de Reginald Rose, adaptée par Francis Lombrail


L’homme n’est pas que colère, le cri de son injustice, si.

Il fallait oser pour s’attaquer à un classique du genre, remarquablement porté au cinéma par Sidney Lumet, d’après le scénario de Reginald Rose. Ce que parvient à faire avec excellence le metteur en scène, Charles Tordjman. Autant dans la sobriété que dans la direction d’acteurs, il permet à cette pièce de proposer un sujet fort, intense, dérangeant, sans les excès inutiles.


Un petit groupe d’hommes doit fournir, en leur âme et conscience, le verdict qui collera au plus près de ce qui s’est passé ; un jeune homme est accusé de parricide. S'il est jugé coupable, c'est la chaise électrique qui l'attend. Ce que tout le monde croit. Tout le monde ou presque. Dans un entrefilet de lumière pâle, lisse, débordant par des ouvertures styles chambre de jurés, les sentiments, au départ tous défendus avec certitudes par leur promoteur, vont finir par se fondre les uns dans les autres. À force de confrontations tantôt apaisées, tantôt orageuses, chaque porteur va ainsi se voir contraindre de penser différemment, de se mettre à la place, pour certains, de la victime, pour d’autres dans celle du présumé coupable, ou innocent. Bien sûr, pour qu’un raisonnement de confrontation puisse surgir de ce flot de doutes et de certitudes, faut-il encore qu’un homme s’impose, un médiateur doué d’une réflexion de loup de meute, un être à la fois doux et dans le doute, effrayé par sa propre méfiance envers la justice de l’homme qu’on lui demande de représenter, en fait, un homme que seul un acteur prodigieux peut incarner. Et c’est là une des cartes maîtresses de la pièce. On le sait, Bruno Wolkowitch est un excellent comédien, mais lorsqu’il est au meilleur de sa forme, il est l’homme de la situation la plus critique, capable de cristalliser les colères pour ensuite les retourner en propositions honnêtes, donc réalistes.


Mais pour que le combat soit juste, faut-il encore pouvoir le désamorcer. C’est là qu’entre en scène Bruno Wolkowitch, qui insidieusement et avec brio va remettre en cause, les aveux des témoins, les mobiles, l’habilité des plaidoiries. Ce qui va s’avérer difficile à admettre pour des hommes ordinaires, lassés, exténués, ankylosés par la fatigue du piétinement physique et moral. Seulement, quand on est un architecte de renom, qui ne triche pas avec les côtes de la vie, eh bien on veut en savoir plus, on veut détricoter le canevas pour aller au cœur de la machine, jusqu’à provoquer un retournement de situation exceptionnelle.


Mais attention, ne vous y trompez pas. La possible apparence de ce jeu austère ne doit en rien laisser croire une latence conformiste des années cinquante. Bien au contraire, notamment grâce à la lumière subtile qui ici semble projeter sur les façades les ombres de ces douze âmes tourmentées, rendant plus que vivant la pièce.


Assurément, donc, l’adaptation de Francis Lombrail a trouvé avec Charles Tordjman toute son envergure, révélant par ce fait celle des comédiens Jeoffrey Bourdeney, Adel Djemaï, Antoine Courtray, Roch Leibovici, Claude Guedj, Olivier Cruveiller, Philippe Crubezy, Pierre-Alain Leleu, Pascal Ternisien, Christian Drillaud Francis Lombrail et Bruno Wolkowitch.


Un superbe cas de conscience théâtral au service de la réflexion humaine.


Ambroise Steiger


Théâtre Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles 75017 Paris. Location : 01 43 87 23 23. Du mardi au dimanche à 19h. Jusqu’au 7 janvier 2018.

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