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LA DANSE DE MORT, d'August Strindberg


Le petit enfer n’est pas toujours là où on l’imagine, il est surtout visible quand il est trop tard, lorsque l’on est à l’intérieur, clos de toute part par des flammes monstrueuses, que l’on a soi-même alimentées.


La Danse de mort n’est pas chose aisée. Bien souvent, elle s’inscrit dans une folie incontrôlable. Mais quand celle-ci est chorégraphiée par un metteur en scène de renom, génie de la pensée pas toujours entendu ni intenable, ici en la personne de l’incroyable Stuart Seide, on peut se dire que le théâtre de qualité peut aussi éclore, se mouvoir, se créer dans un lieu privé. C’est évidemment ce qui arrive avec l’association des deux ; de la pièce et de son lieu, La Reine Blanche. Et ce qui pourrait paraître comme une gageure est en réalité une entreprise audacieuse qui mérite tout le confort de l’écoute, de notre compréhension, voire de notre soutien. En ces temps où l’art du théâtre semble acculé aux portes de l’enfer, ouvrir celles de La Reine Blanche, c’est comme entrevoir le paradis. Mais attention, toujours se méfier de ce que l’on peut y trouver … le bien, comme le mal.


Rassurez-vous, ici, on ne parlera que du mal en bien. Car pour revenir au sujet de la pièce de Strindberg, il faut reconnaître qu’il s’agit là d’un morceau particulièrement dérangeant à certains égards, tant sur le plan textuel que sur celui de l’inter-soumission entre les protagonistes, égrené au fur et à mesure jusqu’à éclatement de la vérité ; celui du jeu recommençant.


25 ans. 25 ans qu’ils se côtoient, se murmurent des mots d’amour et s’engueulent, en vociférant, bien sûr ; c’est bien connu, au plus gueulard revient le mérite. Car dans La Danse de mort, force est de constater que la douceur du ton est reléguée très souvent en arrière, ricochant en colère sur les parois sombres d’un chez soi sinistre. Et ce n’est pas en s’apprêtant à fêter leurs noces d’argent, que chacun va aiguiser ses ambivalences, selon s’il est en bonne ou mauvaise posture. Et c’est là que Strindberg parvient à maintenir l’équilibre de sa pièce.


Il est militaire, stagnant dans la boue du remords, pris entre deux feux, elle est une ancienne actrice, qui semble-t-il, n’a pas franchement connu les planches. À défaut donc d’avoir été ce qu’ils auraient pu être (ou dû être), ils vivent leur rôle à la maison. Ce qui leur permet de trouver des prétextes à s’entretuer, dès qu’ils ressentent l’envie d’être leur possédé. Et autant dire qu’en matière d’interprétation, Jean Alibert et Helene Theunissen, nous offrent ici un formidable jeu, finement savoureux, très étudié, jamais approximatif. Il faut dire qu’ils sont merveilleusement bien soutenus par Pierre Baux et Karin Palmieri, que l’on aurait aimé voir davantage.


Bien sûr, comme il s’agit de fêter leurs noces d’argent, arrive l’ami, le tiers qui va enrayer la machine. Et là encore, Stuart Seide a bien fait de choisir Pierre Baux, intense dans son rôle victimaire, épatant par son attitude lymphatique, parfois au bord de la complaisance de l’autoflagellation. Un ami dont les affres d’une séparation avec ses enfants vont devenir l’arme de la perversité grandissante chez ses hôtes.


Autant dire que Stuart Seide a réussi son pari. D’autant que la scénographie, le son, les costumes et le maquillage ont été étudiés avec soins, sans fard inutile, juste dans la continuité subtilement lumineuse d’un sujet épatant !


À voir donc, ce que nomme Strindberg « petit enfer » au paradis de la Reine Blanche !


Anne Champaigne


Scénographie : Angeline Croissant

Lumière : Jean-Pascal Pracht

Son : Marc Bretonniére

Costumes : Sophie Schaal

Coiffures et maquillages : Catherine Nicolas

Régie générale / Peintre décorateur / Accessoires : Ladislas Rouge

Assistante mise en scène : Karin Palmieri

Responsable de production : Romain Picolet

Chargée de production : Julie R’Bibo

Construction du décor : Atelier Millefeuilles / Margot Ducatez / Ladislas Rouge


La Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle, 75018 Paris. Jusqu’au 29 octobre 2018.

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