top of page

LES JUMEAUX VÉNITIENS de Carlo Goldoni


C’est une histoire de gémellité malheureuse, au siècle où le monde est devenu une terre de révoltes, où l’on pressent les dangers et les ravages de ces changements, mais aussi des histoires d’amour à cœur ouvert, si ouverts les cœurs qu’ils ne laissent aucune place au hasard ; d’emblée, on devine ce qui va advenir de ces êtres à la destinée d’un classicisme théâtral parfois excessif. Et à vrai dire, peu importe, puisque l’excellente mise en scène permet ces extravagantes aérations sans qu’elles mettent en danger la qualité de la pièce. Car force est de reconnaître que Goldoni signe là un de ses textes les plus plaisants à entendre, même s’il lui manquera toujours le droit à l’étourderie dont Shakespeare savait s’accommoder.

Si les intrigues sont d’une facture classique, maintes fois usitées, il serait malhonnête de ne pas évoquer le double rôle joué par Maxime d’Aboville. En effet, tantôt jumeau idiot, tantôt jumeau réfléchi, le jeune acteur maîtrise ici l’art du dédoublement comme peu d’acteurs savent le faire. Subtil caboteur, jamais il ne cherche à en faire trop, sachant exactement où se situe la justesse, assurant ainsi au fil conducteur de la pièce la maîtrise idéale du rythme. Non pas que ses partenaires n’en soient pas capables, mais parce que la thématique qu’ils servent est avant tout un dispositif servant de révélateur à un personnage en proie à une rocambolesque destinée. Lisez par vous-même ; Zanetto et Tonino, séparés à leur naissance, ont une sœur, elle-même ayant été abandonnée dans son couffin. Un trio que la vie aurait dû évidemment empêcher de se rencontrer, et que pourtant la vie elle-même va permettre ; il est vrai que la vie aime se jouer des pauvres âmes au cœur d’artichaut. À l’instar de ces deux frères, toujours séparés vingt ans plus tard, cherchant à convoiter leur dulcinée respective. Forcément dans la même ville – sinon ce ne serait pas drôle -, provoquant quiproquos, emballements, amours et désamours, fuites, duels, vertiges et mort, le tout possible grâce à des êtres avares et mesquins.


Si Jean-Louis Benoît parvient à imbriquer les rôles les uns dans les autres avec une acuité formidable, il est regrettable de constater combien le jeu s’avère un tantinet inégal, de même que l’on peut ressentir une misogynie latente chez Goldoni lui-même. Rassurez-vous, pas au point de se demander si l’on fait bien d’y aller ou non. D’autant qu’il est à noter la merveilleuse scénographie de Jean Haas, monumentale et délicate, baignée dans les teintes harmonieuses et élégantes du créateur lumière Joël Hourbeigt. Et à ce propos, reconnaissons au Théâtre Hébertot son droit à la noblesse du genre pour permettre à des spectacles de qualité de rencontrer un public trop souvent soumis à des propositions appauvries par un théâtre privé qui ne se renouvelle pas, du moins plus assez.


Aussi, ne serait-ce que pour cette leçon offerte par de talentueux et rares créateurs, oui, un seul mot d’ordre s'impose :


Courez voir Les Jumeaux Vénitiens !


Une pièce de Carlo Goldoni - Adaptation et mise scène Jean-Louis Benoît - Avec Maxime d’Aboville – Olivier Sitruk – Victoire Bélézy - Philippe Berodot – Adrien Gamba-Gontard – Benjamin Jungers - Thibault Lacroix – Agnès Pontier – Luc Tremblais - Margaux Van Den Plas - Costumes Frédéric Olivier - Collaboration artistique Laurent Delvert


Anne Champaigne


Théâtre Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles75017 PARIS. Du mardi au samedi à 21h Samedi 16h30 et dimanche 16h00. À partir du 14 septembre 2017

Mots-clés :

Suivez-nous
  • Twitter Basic Black
  • Facebook Basic Black
Chroniques récentes
bottom of page