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LE CAPTIF de Olivier Sourisse


Le Captif, magistrale libération d’un enfant.

Il est de dos, recroquevillé sur lui-même. Sous le sol vrombit un monde actif, envoûtant, pendant que le public s’installe jusqu’à son réveil sur l’air de l’Eau vive, de Guy Béart, chantée par sa petite sœur à travers la porte. On ne sait si c’est le soir ou le matin, et peu importe, puisqu’il vit enfermé depuis son enfance dans ce petit espace clos dont la clarté extérieure provient uniquement des fins interstices de la porte ou du regard. Autant dire que nous sommes aussitôt immergés avec lui dans son monde.


Une danse de l’esprit et du corps.

Après quoi s’emballe une machine humaine incroyable, pleine de ressorts, au langage riche et crû, dont les veines qui le véhicule deviennent des traces de chair gonflées de colère et d’espérance. Un saisissant alliage du corps et de l’esprit possible grâce à la mise en scène ingénieuse et subtile de Frédéric Fage. Sans fioriture, à l’opposé du théâtre conceptuel qui asphyxie les réflexions, sa maitrise de la mise en scène, de sa direction d’acteur évite le piège du charabia illimité, du « on dit tout pour ne rien dire ». Le tout valorisé par la trame lumineuse des lumières d’Olivier Oudiou. Ce qui rend l’histoire encore plus féroce, par conséquent plus efficace.


Il y a lui, il y a elle, ils sont un deux en un.

Et ce n’est pas le jeu de l’acteur qui va nous faire dire le contraire. À peine sorti de sa vingtaine, Hugo Miard est une révélation à part entière. Ce texte dense, captivant, intense d’Olivier Sourisse, déjà très remarqué avec Stavanger, créé l’année dernière pour le festival d’Avignon, puis joué à Paris, il le porte de bout en bout avec une agilité de l’intelligence et du corps si rare, qu’il est évident que l’on assiste à l’émergence d’un grand nom du théâtre. Passant avec un étonnant naturel de Cléo à Clara, avec pour liaison organique son rôle du Captif, le jeune acteur a su parfaitement faire ressortir de ce trio le trouble de l’identité sexuelle, provoqué par les visites de personnes peu recommandables, aux fantasmes monstrueux, et dont les parents en retirent le bénéfice pécuniaire. À noter d’ailleurs l’ingénieux traitement de l’abus sexuel, ici, transformé en jeu par la victime elle-même, comme pour rappeler combien l’homme possède en lui, dans les pires instants de son existence, la force de s’en sortir, de rayonner à son tour dans notre monde, ce monde qu’il fait sien en faisant apparaître une galerie de personnages importants pour son équilibre, souvent sur le thème de l’humour ; le père, la mère, le petit ami de cette dernière ou bien encore cet étrange Monsieur Rémi, scientifique à ses heures perdues, et client du duo frère sœur. Car c’est bien ça que l’auteur aborde avec ce texte ; cet espoir conquérant, indestructible au point de parvenir à trouver sa voie dans un champ de lumière régénératrice.


Et si Le Captif est une histoire dure, basée sur des faits réels, il ne faut pas s’y tromper, c’est avant tout une formidable partition d’espoir, sans complaisance aucune pour la grossièreté, si forte qu’elle nous libère nous-mêmes de nos propres craintes quant à l’avenir de notre espèce à travers celui de nos enfants.


À voir absolument !


Anne Champaigne


Espace Roseau, 8, rue de Pétramale, 84000 Avignon. Location : 04 90 25 96 05. Tous les jours, sauf le jeudi : 16H05. Jusqu’au 30 juillet. Puis à Paris en novembre 2017 à La Manufacture des Abbesses.

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