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UNE VIE de Pascal Rambert


Un auteur vivant, du miroir de l’aujourd’hui, de l’attention exigée pour découvrir du jamais prononcé : La Comédie-Française, conservatoire, ose aussi représenter le répertoire de demain. Dans un studio de radio, un animateur curieux interroge un artiste coriace, sans connivence, chercheur du mot juste, qui peint toujours les mêmes visages, en fond de jardin. Le passé ressurgit : la mère, une amoureuse qui a eu des enfants, la maîtresse cachée, le petit garçon sérieux dans sa folie, qu’il demeure, le frère mal-aimé qui gêne, le tentateur complice de la jeunesse. Qu’est-ce qu’une vie ? Une déambulation observée ? Une victoire sur le mal qui s’annonce bien mais se déchire sur la tentative d’amour ?


Pascal Rambert invente un Théâtre de l’écriture, construit sur l’intrusion de personnages, qui s’émancipe de la psychologie : la psychologie est déjà une religion du passé. La question du mal vrille ces individus non préparés et fanatiques du « Tout sauf Dieu ». L’apparition d’un prêtre catholique -en fait plutôt un évangéliste puritain et haineux - souligne cette horreur contemporaine de la transcendance. Restent les souvenirs d’un cerveau encore consultable. Et l’amour de la langue française, comme un aveu intime. Pascal Rambert a écrit ici un texte sur ce temps, précieux grimoire : il le met en scène comme une confrontation de police ou de justice, avec cette violence sans limites.


La distribution s’avère parfaite : Denis Podalydès incarne ce quinquagénaire veule et troublant, courageux envers le faible, retenu devant l’obscurité de la grotte, tandis que son « questionneur », le si touchant Hervé Pierre, en « Michel Polac » de la Culture, avec une majuscule bien tracée, l’observe dans ses pointillés. Cécile Brune est sublime en Matriarque abusive, veuve de tout et mère peut-être, tout comme le jeune Nathan Aznar, garçonnet impressionnant de maîtrise, tandis que Jennifer Decker s’impose, comme toujours, en « autre femme » toujours remisée et que Pierre-Louis Calixte déchire la toile avec une apparition en forme de coup de couteau : c’est l’ami-diable. Alexandre Pavloff, lui, peine à imposer le frère-démon, honni. Le rôle gêne, il grince : toute la mécanique le crache. « Une vie » se déroule, s’étreint, s’éteint. Unité de lieu, de temps, d’évocation. Et de talents explosés..


CL Morel


Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 23, rue du Vieux-Colombier, Paris VIème. Location : 01 44 39 87 00/01. Tous les soirs sauf dimanche et lundi : 20h30 (19h00 le mardi). Matinée le dimanche à 15h00. Jusqu’au 2 juillet.

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