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BAJAZET de Racine


La Comédie-Française reprend l’une des pièces les moins jouées - injustement - de Racine. Il y a un quart de siècle, une brillante distribution comprenait Bérengère Dautun et un Eric Ruf jouvenceau, devenu depuis l’administrateur de la Maison de Molière et, aujourd’hui, metteur en scène de ce « Bajazet » du XXIème siècle. En Orient, au Grand siècle, dans le sérail. Le sultan parti guerroyer, son vizir, Acomat, ourdit un complot où l’amour est une arme. L’intrigant pousse Bajazet à déclarer sa flamme à Roxane, qu’il n’aime pas, épris, depuis l’enfance d’Atalide. Roxane, très enamourée, réalise brutalement qu’elle n’est que l’enjeu d’un « coup » politique. Vengeresse, elle provoque la mort de son amour sans réciprocité, succombe elle-même à une révolte de palais, tandis qu’Atalide se donne la mort.


La tragédie est accomplie, du chant du coq au crépuscule. Eric Ruf, assisté de Claude Mathieu, sobrement, a imaginé un plateau rempli d’armoires, murailles et meurtrières, constellé de chaussures de femmes au bain, souliers-fétiches des amoureuses qui se sont couchées, pieds nus, pour mourir. Les condamnés à leur destin évoluent, pleins d’espoir, et buttent sur ces vestiges ou les enjambent. Le mécanisme visuel fonctionne pleinement. La troupe, exaltée, savoure, au diapason du public, de dire « Racine ». Alain Lenglet, toujours si émouvant et altier, est Osmin, conseiller plein d’inquiétude et de droiture. Denis Podalydès, que l’on retrouve avec un texte à sa mesure, excelle de rouerie et de doute à la fois, dans le rôle d’Acomat, le « politique ». Laurent Natrella donne une faiblesse toute contemporaine au personnage barbu et indécis de Bajazet, tandis qu’une petite nouvelle, l’exquise Rebecca Marder expose des preuves évidentes de son talent en s’emparant, avec une infinie délicatesse, d’Atalide, pour lui donner sa fragilité pleine d’audace. Bravo !


Enfin, Clotilde de Bayser, tant aimée, incarne une Roxane légendaire, dans la grande Tradition, avec une majuscule qui raye le ciel, des Marie Bell ou des Maria Casarès, tout en lui apportant sa vitalité nue. Magnifique « Bajazet », régal esthétique et sonore, qui réconciliera Anciens et Modernes dans une extase de deux heures de beauté..


CL Morel


Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colombier, Paris VIe. Métro : Saint-Sulpice ou Sèvres-Babylone. Location : 01 43 39 87 00 ou 01. Tous les jours, sauf lundi. Horaires à la carte : 19h00, le mardi ; 20h30 du mercredi au samedi ; matinée à 15h00 le dimanche. Jusqu’au 7 mai.

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