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LA REGLE DU JEU, d’après le scénario du film de Jean RENOIR


Le Français bouge, se rajeunit, prospecte, vit, enfin. Après « Les Damnés », cet envoûtant et morbide spectacle tiré de la mise en pellicule de Visconti, voici un nouvel essai de traitement de l’écriture, se servant du numérique, du cinéma, du son, d’une image omniprésente.


Le célèbre film de Renoir - reconnu vingt ans après son tournage - commençait à l’aube de la Dernière guerre (on l’ignorait encore). La décadence d’une société bourgeoise, épouvantée par le Front populaire, toutes règles de morale flexibles, sauf celle de la barrière sociale, prête à accepter la « poigne » d’un homme fort, même de l’étranger, se révélait dans « une partie de château », où des gens tentaient de s’amuser, aveugles et inconscients. Le tout est transposé aujourd’hui par le metteur en scène, Christiane Jatahy. Un long film, tout d’abord, tourné dans la Maison de Molière, qui devient le château de Renoir, évoquant les défuntes « Soirées habillées » (bien vu !) de la Comédie-Française d’avant 1981 : les invités arrivent en Rolls, scintillants, se connaissant tous, jouant leur rôle, prêts à tout pour s’amuser. Il y a le héros du jour, un « humanitaire » n’hésitant pas à plonger dans les eaux tièdes de la Méditerranée (« où est la caméra ? ») pour sauver des clandestins, celle qu’il aime, Christine, une belle étrangère, femme de Robert. Rick, l’amuseur homosexuel, tragique et pas dupe, les « copains », le vigile, sa femme, volage soubrette, Marceau, le braconnier et d’autres. Les maîtres veulent s’a-mu-ser !


Et là commence la représentation de notre décadence : ils braillent un karaoké débilitant, chantent en anglais, jouent les animateurs, se vautrent dans l’image et l’apparence la plus vulgaire, pantins de télé-réalité, dérapent dans l’alcool, la nostalgie de leur jeunesse, le conformisme béat : c’est cruel, insoutenable, c’est aujourd’hui. Le chaos ne peut qu’arriver. L’étranger observe, exclus. Le drame, c’est l’étranger qui ne joue pas. Un bourdon survole la scène, œil qui enregistre tout, caméra intestine et obscène. C’est Drone de drame. La troupe répond parfaitement à l’esprit de l’entreprise : excellents Eric Genovese, Elsa Lepoivre, étonnant et inquiétant Serge Badagssarian, mais tous se dépassent.


Conçu pour choquer, l’image obtenue supplantant un texte prétexte, le spectacle déroutera certains et ravira les mauvais esprits..


CL Morel


Comédie-Française, 1, place Colette, Paris Ier, métro : Palais-Royal/Pyramides. Location : 01 44 58 15 15. En alternance. Jusqu'au 15 juin.

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