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HUIS CLOS,  de Sartre


La plus célèbre des pièces de Sartre ? Et aussi la plus étrange, la plus caverneuse, la plus exposée et la plus…mystique ? Le lieu : l’Enfer. Le temps : qui ne s’écoule pas. L’action : l’usure et la répétition. Introduits par un mystérieux garçon d’étage, un fonctionnaire impeccable, trois protagonistes se retrouvent dans un salon d’attente. Il y a Garcin, l’aventurier pleutre, Inès, la carnassière lesbienne et Estelle, l’écervelée qui cherche un miroir. Qu’ont-ils en commun ? La sécheresse de cœur, le goût du mal, son habitude et son service. Ils ont l’éternité, la mémoire, l’intelligence pour se déchirer sans fin. Ils sont morts mais inchangés : endurcis, implacables. Ils sont abominablement intacts, pour leur malheur. Le minimalisme remisé au placard (en bois scandinave), l’Atalante a osé une mise en scène baroque, - un opéra sans cordes, ni vent - signée Agathe Alexis et Alain Alexis Barsacq . La scène, fendue comme une branche foudroyée, des fauteuils brûlés et repeints tordus, une atmosphère de cave pendant le bombardement de Dresde, des marches qui ne vont pas au ciel mais nulle part, des ombres qui deviennent des sculptures, des carrés de lumière qui ne luit pas : tel est le décor, étrange et beau, ce gril à mensonges. La distribution s’élève à la hauteur requise : Garcin, c’est Bruno Boulzaguet, incarnant ce lâche, ce rêveur de destin, roulant des yeux effarés, transpirant, le plus pris au piège. Estelle est investie par Anne Le Guernec, physique, très à l’aise, précise, effrayante de normalité à première vue. Le garçon d’étage, c’est Jaime Azulay, qui a une vraie présence. Mais s’il y a une reine de cet Enfer, entrant à cheval dans la fournaise, apparition de Dom Juan recraché du chaudron en femme, c’est bien Inès alias Agathe Alexis, qui porte ce rôle à l’incandescence. Terrible maîtresse du jeu, elle s’enroule comme un cobra royal, vise ses proies, mord, se redresse, avec cette voix calme à la Suzanne Flon qui murmure soudain et s’embrase tout à coup. C’est magistral. Superbe et insolente lecture d’un texte, dont le poison n’a rien perdu de sa virulence, ce Huis clos marque et se démarque. On rit, grince, gémit.

C’est une infernale délectation.

CL Morel


Actuellement en tournée.

Théâtre de l’Atalante (derrière l’Atelier) 10 place Charles-Dullin, Paris XVIIIème. Métro : Anvers. Location : 01 46 06 11 90. Tous les soirs, sauf dimanche et mardi, à 20h30 (19h00 les jeudi et samedi) Matinée à 17h00 le dimanche. Jusqu’au 12 mai.

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